"Ils lui concédèrent la justice pour le maintien de la paix". Une image du contrat politique et de l’origine des franchises au sein de la paysannerie gasconne au XIIIe siècle
Résumé
This paper discusses the emergence, during the Middle Ages, of a set of representations concerning the origin of collective franchises and these of royal power within a category of the population usually underestimated by cultural history and political: the peasantry. The particular case on which it is based is the report of a survey conducted in Bordeaux in 1236-1237. It shows a contractual conception of power evoking the pactism of the southern Pyrenees or, further north, the themes mobilized during the political crises of England Plantagenet with whom the former Duchy of Gascony has been linked since 1154. It emanates from a very particular social group, the peasant elites of Western Gascony, which the sources often describe as "good men" or "prud'hommes", whose traditional functions of mediating the ducal dominium are doubly threatened in the first half of the 13th century. On the one hand by the multiplication of royal provosts. On the other hand by the attractiveness of cities on their co-parishioners. In what appears to be a systemic crisis, the prud'hommes answer with a set of fairly well-documented conservatory strategies in which emerges the idea that the power of the king-duke proceeds from popular delegations or that the franchises they claim to benefit have a Carolingian origin. Rather than attempting to substantiate such assertions in the absence of proven facts to cross them, it is a matter of identifying the conditions of politicization of a category of the population which seem to be opened to literacy and major cultural models
Cet article aborde les conditions d’émergence, au Moyen Âge, d’un corpus de représentations touchant à l’origine des franchises collectives et à celle du pouvoir royal au sein d’une catégorie de la population habituellement mésestimée par l’histoire culturelle et politique : la paysannerie. Le cas particulier sur lequel elle s’appuie est le procès verbal d’une enquête réalisée en Bordelais en 1236-1237. Elle trahit une conception contractualiste du pouvoir qui n’est pas sans évoquer le pactisme du sud des Pyrénées ou, plus au nord, les thèmes mobilisés pendant les crises politiques de l’Angleterre Plantagenêt avec qui l’ancien duché de Gascogne a partie liée depuis 1154. Elle émane d’un groupe social bien particulier, les élites paysannes de la Gascogne occidentale que les sources qualifient souvent « bons hommes » ou « prud’hommes », dont les fonctions traditionnelles de médiation du dominium ducal sont doublement menacées dans la première moitié du XIIIe siècle. D’une part par la multiplication des prévôts royaux. D’autre part par l’attrait qu’exercent les villes sur leurs co-paroissiens. À ce qui paraît être une crise systémique, les prud’hommes répondent par un panel de stratégies conservatoires assez remarquablement documentées au sein desquelles émerge l’idée que le pouvoir du roi-duc procède de délégations populaires ou que les franchises dont ils se prévalent ont une origine carolingienne. Plutôt que de tenter d’étayer de telles affirmations faute de faits avérés pour les recouper, il s’agit de cerner les conditions de politisation d’une catégorie de la population moins étrangère à la literacy et aux grands modèles culturels qu’on ne le croit habituellement.
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